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Il faut caresser le petit chat qui se trouve à la fin de chaque histoire pour revenir au sommaire
Les Zippopoches

Quand on arrive le dimanche matin dans une de ces villes daujourdhui, on ne voit dans les rues que quelques vieilles qui font faire le tour du caniveau à leur chien. On apprit donc ce jour-là aux informations que, profitant de la fièvre du samedi soir qui fait le silence des dimanches matins, des inconnus sétaient introduits dans la cage du dernier couple de zippopoches encore vivant. Sans doute, daprès des voyageurs, un couple de zippopoches avait bien été aperçu récemment dans les montagnes du Tibet, sur le Toit du monde, mais la femelle avait malencontreusement glissé sur une tuile faîtière et sétait fracassé la colonne en chutant dans cette vallée de larmes où vivent les humains. Cest dire que, lavant-dernière femelle ayant déjà rendu lâme, ce qui venait de se passer au Zoo de Vincennes était dune gravité gravissime. Lenquête, diligentée par la Police des Pelisses, avait permis détablir que les bandits sétaient laissés enfermer dans lascenseur flambant neuf du fameux rocher qui venait dêtre réouvert au public et quà partir du belvédère du premier étage, ils avaient déroulé une corde jusquà lenclos des zippopoches. Le spectacle était affligeant. Les zippopoches avaient été dépouillés sur place et gisaient là, pitoyables et nus comme des zèbres à qui on aurait retiré leur pyjama, fendant le cur de tous les amis des zippopoches qui, alertés par le président de lassociation des amis des zippopoches, étaient venus pleurer sur la dépouille des deux animaux. Entre deux imprécations de youyous et de jaculations funèbres, se tordant les mains et sarrachant les cheveux de désespoir, ils se répandaient en lamentations et se concertaient sur la conduite à tenir. Certains parlaient de prélever les graines de zippopoches pendant quelles étaient encore chaudes et de les confier à un laboratoire, dautres juraient que la vie ne valait plus la peine dêtre vécue maintenant que les zippopoches avaient disparu de la surface de la terre... Cétait la peau des zippopoches qui intéressait les bandits.
Quavait-elle donc de si extraordinaire cette peau de zippopoche pour pousser des humains à ce crime insensé : faire disparaître définitivement de la planète une espèce de la collection dont ils font eux-mêmes partie. Car nous avons beau nous croire et nous proclamer supérieurs aux animaux, ces cousins dont les formes et dont les expressions émerveillent tant les yeux des petits enfants, quelque chose nous dit quils nous surclassent - et dabord parce quils nous ignorent superbement avec nos fastes, nos bas de laine et nos légions dhonneur. Si lanimal nexistait pas, a dit un sage, lhomme serait encore plus énigmatique à lui-même. Ah oui ! ce quon peut se rincer lil en regardant toutes ces curieuses bestioles qui, comme nous, ont un nez ou un bec au milieu de la figure, une ou plusieurs paires de pattes, des têtes à coucher dehors avec un billet de logement et des tenues achetées au décrochez-moi ça... Mais ce qui est vraiment sympa avec les animaux, cest quils sont comme ils sont. A fleur de peau. Les humains, eux, qui sont à peu près tous faits sur le même modèle, on ne sait jamais trop sur quel pied danser avec ces hypocrites, tellement ils peuvent se faire passer pour ce quils ne sont pas, dressés sur leurs ergots ou rampants comme des couleuvres, bavards comme des pies ou prétentieux comme des paons... Rien de tel avec les animaux. Leurs états dâme sont écrits sur leur figure et ils sont incapables de vous dire autre chose que ce quils ont sur le cur. Le tigre, par exemple. Ce benêt passe le plus clair de ses journées à se frotter les joues sur les troncs darbre qui marquent les limites de sa carrée de cinquante kilomètres, à sy faire les griffes et à faire pipi dessus. Cest tout juste sil sait quil a des enfants. Mais ça nest pas ce quon lui demande, davoir la fibre paternelle. On le remercie dêtre un gros chat - plutôt maladroit dailleurs : il manque son coup dix-neuf fois sur vingt et ne jeûne pas que le vendredi et il est tellement courageux qu'il n'attaque que de dos (c'est pourquoi les forestiers indiens travaillent en s'attachant un visage en carton derrière la tête quand ils savent qu'il y a un tigre dans le coin) : on ne lui demande pas, non plus, d'avoir l'audace de regarder son bifteck droit dans les yeux - capable de broyer dun coup de dent la tête dune chèvre et de sauter sur vos genoux en ronronnant pour vous faire un câlin. Les animaux sont comme le registre sur pattes de nos expressions et de nos sentiments.

Cest pour de bestialement humaines raisons, hélas ! que nos amies les bêtes sont exterminées. Jai lu dans un livre très sérieux que si le tigre est en voie dextinction, cest parce que les humains croient que les différentes parties de son corps peuvent guérir à peu près toutes les maladies. Ses testicules sont supposées guérir la tuberculose, sa peau les maladies mentales, sa graisse les vomissements, sa chair les maux destomac et le paludisme, sa cervelle les boutons et la paresse, sa truffe lépilepsie, ses dents la rage et lasthme, ses moustaches les maux de dents, son sang la faiblesse de constitution, ses calculs rénaux la débilité, sa queue les maladies de peau... Ainsi encore, cest parce que la corne du rhinocéros est supposée contenir, parce quelle est taillée comme une corne à contenir la poudre, une drogue qui guérit du mal de vivre que ces malheureux pachydermes sont chassés sans pitié. Cest parce que lhuile de baleine permet déclairer la lanterne des sots que le nombre de ces pacifiques géants des mers est aujourdhui inversement proportionnel à celui des imbéciles. Cest parce que la trompe de léléphant permet de siphonner les caisses de lÉtat que ces bons gros plumeurs de feuilles doivent maintenant se cacher des ministres et des présidents...
Cest drôle, les humains, eux qui sont nés sans fourrure et sans griffes et qui se veulent, parce quils ont appris lorthographe et savent compter sur leurs doigts, les maîtres de la création rêvent des peaux de bêtes comme du paradis. Se glisser dans une peau danimal semble être à la fois le comble de la volupté et de la réussite sociale. A part celle des pachydermes, dont on ils ne peuvent faire que des boucliers, ils font pelure dà peu près tout... il paraît même quon fait des manteaux avec des peaux de taupe. Bien sûr, les peaux les plus prisées sont les plus soyeuses, celles qui sont qui aussi douces quune maman contre laquelle on se blottit quand on a une frayeur ou un chagrin. Je ne sais pourquoi, ces refuges de tendresse appartiennent souvent aux animaux les plus féroces - ou réputés tels..., nest-ce pas mon petit lapin ? La fourrure, cette peau qui change danimal et dont lodeur fauve inspire parfois de sourds grognements à nos compagnons dappartement, quand ils ne les mettent pas en feu, cest peut-être aussi une ivresse qui sert à oublier ses malheurs et qui donne de lamour à ceux qui nen ont pas.
La peau, cest tout. Cest le vif du vif. Cest la prunelle des yeux, cest le tympan sur lequel rebondissent toutes les émotions. Cest le satin des draps, le paradis des enfouissements. Cest un tartan avec ses poils chauffants, érectiles, tactiles, urticants. Cest une cuirasse où se conservent les cicatrices de la vie, le martyrologe de nos blessures damour-propre et le paradis secret où sembaument nos enchantements. Cest de la chair de poule daisselle et de voûte plantaire, de la chatouille à se pâmer, cest le nirvana des câlins. Cest de la main baladeuse dornithorynque qui, ne voyant rien dans leau, tâte et repère son quatre heures en fouillant le sable et les graviers avec ses pattes. Cest de la peau de banc de poisson, avec sa ligne latérale qui cille au moindre mouvement de leau et qui fait les publics si consonants. Rougissant, pâlissant, reluisant ou ternissant selon lhumeur, la peau, cest un puits à fleur de peau, cest la carte didentité infalsifiable de ce que nous sommes.
Connaissez-vous lhistoire de la peau de chagrin ? Cétait, dit-on, une peau extraordinaire qui permettait à son détenteur de réaliser tous ses désirs. Seulement voilà ! cette peau magique rétrécissait au fur et à mesure de la réalisation des souhaits quelle permettait dexaucer et la durée de vie de son propriétaire diminuait dautant. Ayant la possibilité de satisfaire toutes ses convoitises et flambant par tous les bouts, le malheureux ne faisait évidemment pas long feu. Pourtant, la plupart des hommes auraient vendu leur âme pour disposer de cette peau magique, tant le désir de posséder dans linstant nous rend aveugles aux conséquences. On donnerait nimporte quoi quelquefois pour avoir le carambar ou le plat de lentilles de son petit frère. Vous connaissez sans doute aussi lhistoire, de la même veine, de ce couple de malheureux ayant trouvé une lampe magique qui se met à leur parler en leur expliquant quelle va leur permettre dexaucer trois vux, quels quils soient, mais seulement trois. Ah ! comme jaimerais avoir un chapelet de saucisses ! sexclame alors le mari. Aussitôt un chapelet de saucisses apparaît sur la table de la cuisine. - Imbécile ! se met à vitupérer la femme, tu viens de gaspiller un vu pour de vulgaires saucisses ! Tu mériterais de voir ces saucisses attachées au bout de ton nez ! Aussitôt, le chapelet de saucisses vient se fixer au bout du nez du mari. Vous devinez, bien sûr, à quoi a servi le troisième vu. A détacher ce ridicule chapelet de saucisses du nez du malheureux mari... Une autre vieille fable raconte que les habitants de lîle de Lesbos, ayant introduit le lièvre sur leur île en croyant bien faire et ayant eu toutes les peines du monde à sen débarrasser, tant il causait de dégâts aux cultures et aux jardins, en firent une constellation du ciel austral en guise davertissement aux hommes quil nest rien de si désirable qui ne cause ensuite davantage daffliction que de plaisir. Mais de quel animal provenait cette étonnante peau de chagrin dont je parlais ? Personne ne le sait vraiment. Mais ce que ces histoires naïves nous apprennent avec certitude, cest que, comme ces gens qui gagnent au loto, souvent plus malheureux après quavant, ce sont les insatisfactions qui font vivre et les jouissances qui font mourir...
Toujours est-il quune peau magique, une peau de chagrin, cest une sorte de télécommande, de Sésame ouvre toi ! (comme dans lhistoire dAlibaba), de Marie-couche-toi-là, de poudre de perlimpinpin qui permet dobtenir tout ce quon veut. Or, quest-ce qui nous permet de posséder tout ce que nous désirons, dacheter des gâteries, des glaces à la pistache (moustache !), la conscience des juges, lappui des politiciens ? davoir veaux, vaches, cochons, couvées ? Largent évidemment ! Ces billets bien craquants qui mettent le monde à vos pieds. Vous savez, bien sûr, que les billets de banque sont en réalité faits, non pas en vulgaire papier, bien entendu, mais en peau de bête (dailleurs, quand on regarde un billet par transparence on aperçoit encore les veines qui irriguaient la peau de lanimal) et que cest pour cette raison quils permettent dacheter tout ce quon veut. Les billets ne sont pas faits, non plus, cest évident, de simples peaux de bique ou dordinaires peaux de vache dans lesquelles on les taillerait comme des semelles de chaussure. Non, les billets sont faits avec la peau dun animal dont lenvie et la rareté font la valeur. Si lon trouvait les billets sous le sabot dun âne, ils ne serviraient évidemment pas à se payer tout ce quon veut. Et si tous les billets nont pas la même valeur et ne sont pas tous de la même couleur, cest bien sûr fonction de la valeur et de la couleur de la peau de lanimal dont ils proviennent.
Et les zippopoches dans tout ça ? Comme vous le savez sans doute - et comme leur nom lindique dailleurs -, les zippopoches avaient une peau à fermeture éclair quils pouvaient enfiler dans un sens ou dans lautre, côté hiver et côté été. Eh bien, le malheur des zippopoches, comme celui du rhinocéros dont la corne est supposée armer les faibles, cétait bien entendu leur fermeture éclair : on croyait que les portefeuilles en zippopoches, parce que la peau du zippopoche avec sa fermeture éclair ressemble à un porte-monnaie, attiraient largent par magie. Une peau de peau, en quelque sorte. Malgré linterdiction qui pesait sur le commerce de la peau de zippopoche, la demande était telle et la vente dune peau de zippopoche rapportait tellement que le braconnage avait presque fait disparaître lespèce. Cette croyance dans la vertu du zippopoche était si vivace que, même au zoo de Vincennes, lenclos des zippopoches était plein de pièces que les visiteurs jetaient pour sattirer les faveurs de Dame Fortune.
Quand toute la ville dormait, la Reine des peaux veillait dans son écorcherie. Ce quartier était autrefois peuplé dartisans, tanneurs, mégisseurs, empailleurs, cordonniers, fourreurs dont les ateliers et les boutiques animaient la vie du faubourg. Ces artisans se mariaient tous dans la profession, car disait-on, leur odeur était insupportable à tout autre queux-mêmes. La Reine des peaux avait racheté les dépouilles de ces fonds de commerce qui vivotaient de léquarissage pour en faire laffaire la plus juteuse de la ville. Toutes les peaux du monde arrivaient maintenant chez la Reine des peaux : le castor dOulan-Bator, le coyote de Mayotte, les zibelines des Yvelines, lours fuligineux de la Forêt Noire, celui quon ne rencontre quau clair de lune, le chinchilla du Venezuela... Le Grand Écorcheur, son second, dirigeait les peaux qui narrivaient pas vivantes vers latelier de conditionnement. Elles trempaient dans dimmenses bacs de diverses saumures répartis tout au long des galeries et répandaient une odeur épouvantable dammoniaque, de musc et de purin qui vous emportait les yeux et les poumons. Enveloppée dans un nuage de parfum à couper au couteau, la Reine des peaux, un mouchoir sur le nez, surveillait les opérations du haut la passerelle qui enjambait latelier, son porte-voix dans lautre main et son renard autour du cou. Elle criait en sortant les yeux de la tête quand un ouvrier laissait échapper ou marchait sur une de ses précieuses pelisses :
- Triple buse ! criait-elle. Espèce dempaillé ! Quon lécorche tout vif ! Disparais de ma vue, animal !
Et le malheureux disparaissait, terrorisé, trop heureux davoir sauvé sa peau. Dans les effluves et la fumée des cuves de macération, sa voix perçante avait un caractère diabolique. Quand elle nétait pas dans ses caves puantes et mal ventilées, la Reine des peaux avait sa retraite dans la partie haute de la ville, là où les rentiers cultivaient leurs roses et leurs orchidées, dans une villa néo-Art déco construite à son excentricité. Cest là quelle conservait, dans sa chambre froide, exposées à lhaleine climatisée de projecteurs appropriés, les plus belles dépouilles de la guerre quelle menait contre les espèces.
Que veut lamateur de peaux ? Il veut de la sensation bien sûr et le marchand de peaux, lui, il en veut à revendre puisque tout le monde en veut, sans se soucier que, pour avoir des peaux et toujours plus de peaux, il faut écorcher les animaux jusquau dernier. Tous les humains possèdent les mêmes sens pour faire face au programme de la vie. Ils triment sans répit, se crèvent la peau et nont guère de plaisirs que les jours de noce ou de carnaval. Mais certains, sans doute plus avides ou plus impétueux, ou plus habiles, arrivent à tirer davantage que le commun et à faire la peau des autres. Ceux-là se font marchands de peaux. Cela a probablement commencé quand on a exempté de corvée les hommes qui disaient sentretenir avec les esprits et qui étaient en mesure de garantir aux vivants la protection des trépassés. Car cest les ancêtres, croyait-on, qui, des profondeurs de la terre, ressuscitaient chaque année avec le grain et dispensaient les récoltes aux humains. Cest pourquoi les objets précieux, les dents, les ivoires et les bijoux les peaux sur lesquels lhomme avait exercé son art devinrent les sceaux des prêtres. Puis des chefs de meute, organisant les razzias dans les trésors liturgiques de leurs voisins taillèrent les premiers empires à leur dévotion. Enfin, les marchands de peaux, derniers-nés des écorcheurs, exerçant leur office au carré sur la douleur invisible contenue dans les produits du travail et de la peine de ceux qui ont épuisé leur destinée à gratter, à planter, à sarcler, à moissonner, à tisser, à coudre, à construire, à inventer prirent le pouvoir à leur tour. Le règne des tanneurs, trappeurs du labeur de leurs frères, commença. Ce qui distingue donc les humains, bien quils soient tous taillés sur le même patron, cest la capacité que la possession de peaux donne aux plus avides, ou aux mieux placés, de produire de linégalité avec leur semblable, de lui arracher tout vif la peau sur le corps et de contribuer à peler la planète sans se soucier du lendemain faisant, pour leur bonheur décorcheurs daujourdhui, le malheur des hommes de demain.
La Reine des Peaux était une véritable folle des billets de peau. Elle aurait montré ses fesses à la terre entière si cela avait pu lui rapporter des dollars, ces peaux vertes dont lépidémie sest répandue sur la planète. Jaurai ta peau ! je te ferai la peau ! jurait-elle du seul animal qui avait échappé à son appétit, le dernier couple de zippopoches connu du zoo de Vincennes. Ses sbires, leur forfait commis, rapportèrent donc les peaux de zippopoches à la Reine des Peaux, enveloppées dans les housses quon utilise pour mettre les fourrures dans les armoires frigorifiques pendant la saison chaude. Elle ouvrit lenveloppe et, après avoir renvoyé ses nervis à leurs tendons, commença par se repaître des yeux de ces proies tant convoitées. Enfin ! elle les tenait ces peaux de zippopoches qui la narguaient depuis si longtemps ! Ayant prévenu le cerbère qui gardait sa maison quon ne la dérange sous aucun prétexte, elle ferma à double tour les portes de sa chambre froide et se roula sur les peaux comme font certains carnassiers, leur victime étouffée, huma longuement lodeur capiteuse et enfouit son visage dans le poil. Elle eut la vision fugitive du renard que sa mère, la grande Zoa, portait autour du cou. Elle se releva, ivre de puissance, sonna son majordome, se fit monter des ortolans quelle dévora en croquant les os entre deux verres de Pommard. Puis elle se glissa dans ses draps sous les peaux de zippopoche. Le lendemain matin, la femme de chambre ne voyant pas sallumer la sonnerie habituelle vint ouvrir et trouva la Reine des peaux la tête renversée sur ses dernières proies, la bouche ouverte et les yeux révulsés. Elle était morte. Elle avait rendu lâme en réalisant le rêve de sa carnothèque.
Mais comme la Reine des peaux doit bien souffrir aujourdhui en Enfer, où une rotisserie spéciale lui est réservée ! Car on na certainement pas manqué de lui dire, là-bas, que les peaux de zippopoches sur lesquelles elle avait expiré, ivre dun bonheur sadique, étaient fausses. Le Directeur du zoo ayant en effet appris que la corne du rhinocéros empaillé du muséum de Copenhague avait été volée par un détraqué, mais quon avait eu la bonne idée de remplacer auparavant la vraie corne par une fausse, il fit de même avec les zippopoches. Profitant dune occasion où les zippopoches avaient retiré leur peau pour se gratter mutuellement, il substitua des peaux synthétiques, préalablement aspergées de parfum de zippopoche, aux vraies. Les zippopoches ny virent que du feu et la Reine des peaux elle-même, abusée par sa victoire, fut leurrée par le pieux stratagème du Directeur. Et lhistoire nest pas finie. Notre couple de zippopoches, derniers survivants de lespèce, nétait pas mort, comme on lavait cru. Les sbires de la Reine des peaux les avaient seulement chloroformés pour leur retirer leur inestimable pelisse. Maintenant que la Reine de peaux a cessé de nuire, on leur a rendu leur fourrure originelle et vous pouvez aller admirer aujourdhui au zoo de Vincennes, entre les dromadaires déplumés et les pélicans goitreux , cette merveille du monde animal. Je peux même vous annoncer lheureux événement : Madame Zippopoche vient de mettre au monde trois adorables bébés zippopoches et Monsieur Zippopoche pose fièrement, ce 15 juin 1997 jour de la fête des Pères, pour les photographes du monde entier accourus pour célébrer cette naissance miraculeuse.

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