Il faut caresser le petit chat qui se trouve à la fin de chaque histoire pour revenir au sommaire


Petite histoire pour Célia, Daphné et Alexandre


Patte blanche

*

Ah ! comme les enfants étaient heureux d’être tous ensemble pendant les vacances ! Il y avait Jean-Baptiste, Célia, Sébastien, Alexandre, Dominique, Daphné, Emeline, Jérémie, Géraldine, Léo, Sophie, Estelle, Emmanuel et Mathilde. Il y avait aussi, Laurent, Nelly, Laura, Gontran, Norbert, Adeline, Nicolas et Chloé, la plus petite... Du matin jusqu’au soir ce n’était que rires, cris, appels, chansons dans la grande maison de vacances où tout le monde s’était retrouvé.


- Aujourd’hui, dit Emmanuel, qui était le plus grand, je propose qu’on joue à la chasse au trésor :******.

Cette nuit, les parents ont caché un coffre dans lequel il y a plein de cadeaux

pour les enfants.

J’ai une enveloppe à l’intérieur de laquelle il y a le premier indice pour trouver la route du trésor. Est-ce que tout le monde est d’accord pour jouer à la chasse au trésor ?
- Oui, oui ! répondirent en choeur les enfants.
- Est-ce qu’il y a un cadeau pour moi aussi ? demanda Daphné.

- Bien sûr ! Il y a un cadeau pour chacun d’entre nous.
- Et est-ce que je pourrai l’emporter avec moi quand les vacances seront terminées ? questionna de nouveau Daphné.
- Mais oui ! un cadeau, c’est un cadeau. Quand c’est donné, c’est donné. On ne le reprend pas !
- Alors, j’ouvre l’enveloppe ! dit Emmanuel.
Emmanuel ouvrit l’enveloppe et lut le message qui se trouvait à l’intérieur. Le message disait ceci :

Le premier indice
vaut le double de dix
qu’on soit belge ou qu’on soit suisse
à jeun ou déipnosophiste
disait La Palisse
qui buvait comme une station-service

- Mais qu’est-ce que ça veut dire demanda Alexandre ? On n’y comprend rien !
- Tu peux répéter Emmanuel ?
- D’accord !

Le premier indice
vaut le double de dix
qu’on soit Belge ou qu’on soit Suisse
à jeun ou déipnosophiste
disait La Palisse
qui buvait comme une station-service

- Le double de dix, ça fait vingt dit Sophie !
- Oui, mais vingt, c’est pas un endroit, remarqua Emeline.
- Vingt, c’est peut-être le vin ! ça parle de boisson. C’est dans la cave s’exclama Célia ! Parce que c’est dans la cave qu’il y a le vin !
Aussitôt, tout le monde se précipita vers la cave pour chercher l’enveloppe contenant l’indice suivant qui permettrait d’avancer sur la route du trésor.
- Regardez, il y a une enveloppe sur l’escabeau là-bas ! cria un enfant. On ouvrit l’enveloppe et on lut ceci :

Sous le pommier du jardin
Il y a des pommes
pour les petits lapins

- C’est facile, c’est nous les petits lapins ! Courons voir sous le pommier !

Sous le pommier il avait en effet une enveloppe cachée dans l’herbe dont on apercevait le coin de l’oreille. Le message, à l’intérieur, disait :

Tu es poubelle que jamais
disait le pou à sa belle
sous le tonneau des immondices
se trouve le troisième indice

- C’est sous la poubelle – pas une poubelle comme ça : – du jardin ! dit Alexandre. Allons-y !
Et hop ! Toute la petite troupe se précipita derrière la maison, à qui arriverait le premier. Ce fut Jérémie le plus rapide.
- J’ai trouvé ! dit-il, après avoir soulevé la poubelle, fermée de son couvercle et qui semblait bien lourde.
Il ouvrit l’enveloppe
- Mais elle est vide ! Qu’est-ce que ça veut dire ?
- Tu es vraiment sûr qu’elle est vide ? Fais voir ! demanda Emmanuel. Il y a peut-être quelque chose d’écrit à l’intérieur... Ah non. Rien du tout ! ça alors !
Les enfants se rassemblèrent alors pour décider ce qu’il convenait de faire.
- Il n’ y a qu’à aller chercher papa, il va nous expliquer, fit Alexandre.
- En fait, il n’y a peut-être pas de trésor du tout ! dit Nicolas.
- Peut-être ils ont oublié de mettre l’indice dans l’enveloppe, remarqua Sébastien.
Alors on entendit la petite voix de Chloé, la plus petite, qui venait juste d’arriver en soufflant :
- Mais pourquoi est-ce que vous ne m’attendez jamais ? Alors, il est trouvé le trésor des cadeaux ? C’est dans la poubelle ? Ah ! c’était bien caché !
- Elle a raison ! dit Célia. S’il n’y a pas d’indice dans l’enveloppe, c’est peut-être parce qu’on est arrivé au but !
On dit parfois que la vérité sort de la bouche des plus petits. On ouvrit la poubelle et, miracle ! elle se transforma en malle au trésor.
A l’intérieur il y avait un cadeau au nom de chacun des enfants, autant de petits paquets qu’il y avait d’enfants : un cadeau pour Jean-Baptiste, pour Célia, pour Sébastien, pour Alexandre, pour Dominique, pour Daphné, pour Emeline, pour Jérémie, pour Géraldine, pour Léo, pour Sophie, pour Estelle, pour Emmanuel, pour Mathilde, pour Laurent, pour Nelly, pour Laura, pour Gontran, pour Norbert, pour Adeline, pour Nicolas et pour Chloé, la plus petite. C’était du genre qui roule pour les garçons et du genre qu’on berce pour les filles.
Chacun ayant pris le cadeau à son nom, on remarqua alors qu’il restait un paquet au fond de la malle.
- Tiens ! il y aurait un cadeau en trop ?
On prit le paquet sur lequel il y avait écrit : “Mascotte de la colo”.
- C’est quoi une mascotte ? demanda Daphné
- C’est quoi une colo ? demanda Alexandre.
On ouvrit. Il y avait à l’intérieur un adorable petit koala en peluche. Bien entendu, tout le monde voulait l’avoir. Célia était allée chercher un dictionnaire pour savoir ce qu’était une mascotte. Elle lut à haute voix :
- “Mascotte : objet, personne ou animal considérés comme des porte-bonheur”. Mascotte de la colo, cela veut donc dire que la mascotte appartient à tous les enfants et à aucun en particulier. C’est à tout le monde. On est un groupe d’enfants, on est comme une colonie de vacances.
- Bon ! dit Emmanuel, on va mettre le petit koala sur le buffet de la salle de jeu et il va veiller sur nous. Il va nous porter bonheur. D’accord ? Tout le monde a bien compris que le koala, c’est à tous les enfants, il ne faut pas le prendre et le garder pour soi. D’accord ?
- D’accord ! répondirent les enfants.
Il était maintenant l’heure d’aller dîner et d’aller se coucher.

*


Le lendemain matin, les enfants se retrouvèrent dans la salle de jeu pour faire leurs devoirs de vacances. Alors que tous avaient le nez sur leur cahier, un enfant qui regardait les mouches voler s’exclama :
- Tiens ! vous avez vu ? Il a disparu le petit koala !
Toutes les têtes, comme une seule, se tournèrent vers le buffet où, la veille, on avait posé la petite mascotte. Le petit koala avait disparu en effet.
- Mais qui a pris notre mascotte ? Mais qui a pu prendre notre petit koala ? se lamentaient les enfants.
On alla voir les parentsqui, tous, jurèrent leurs grands dieux qu’ils n’avaient pas pris le koala et eurent même le toupet de dire que cette histoire de koala disparu, c’était un truc pour ne pas faire les devoirs de vacances ! (On se demande où ils vont chercher tout ça !)
- Puisque c’est ainsi, dit Emmanuel, on va finir nos devoirs et, cet après-midi, on va faire quelque chose qui, je vous le promets, va permettre de trouver celui qui a pris le koala, si c’est l’un d’entre nous.
- Ah bon ? Comment tu vas faire ? demandèrent plusieurs enfants.
- Vous verrez bien ! répondit Emmanuel.

*

L’après-midi venu, tous les enfants se réunirent dans la salle de jeu.
- On va fermer tous les volets, tirer les rideaux et allumer la lumière dit Emmanuel.
- Ah ! c’est drôle ! dit la petite Chloé. C’est un nouveau jeu que tu nous apprends Emmanuel ?
- Bon voilà ! reprit Emmanuel, nous allons découvrir celui ou celle qui a dérobé le koala : j’ai apporté une boite à voleur.
- Une boite à voleur ! C’est quoi une boite à voleur ?
- C’est une prison ou quoi ?
- Non, non ! Vous allez voir. Approchez. C’est une sorte de boite magique. Vous voyez, il y a un trou dans le couvercle. Par ce trou, on met la main dans la boite. Et c’est là qu’il y a quelque chose de magique. Parce que dans la boite, il y a une main qu’on ne voit pas. Et cela s’appelle une boite à voleur parce que lorsqu’un voleur passe la main par le trou du couvercle, aussitôt la main qui est dans la boite l’attrape et ne la lâche plus. Alors voici ce que nous allons faire. On va poser la boite sur la table au milieu de la salle de jeu et on va tous se mettre en file, l’un derrière l’autre, d’accord ? Et puis on va éteindre la lumière. Et, chacun à notre tour, nous allons mettre la main dans la boite. Si c’est l’un d’entre nous qui a pris le koala, forcément la main qui est dans la boite va le reconnaître et l’attraper. Alors on est tous d’accord ?
- Oui, oui ! répondirent en choeur les enfants.
- Ah oui ! on veut revoir le koala, fit Chloé.
- Bon ! On se met en ligne. Tout le monde est prêt ? Attention ! il faut bien poser sa main ouverte à plat au fond de la boite, sinon, ça ne marche pas. (et il montra, en posant la main sur la table comment poser la main dans la boite) vous avez bien compris ? Maintenant, J’éteins la lumière !
Il éteignit toutes les lumières.
On entendit alors Alexandre qui disait :
- Aïe ! Daphné ! tu me marches sur les pieds !
- Mais je ne l’ai pas fait exprès, répondit Daphné.
Et puis Sébastien :
- Pousse pas Célia ! C’est chacun son tour.
Dans le noir, vous avez remarqué, d’abord on ne voit rien du tout et puis les yeux finissent par s’habituer à la pénombre. Les enfants distinguaient vaguement les formes de la file indienne. Emmanuel passa le premier. Chacun, avançant à tâtons en suivant celui qui était devant et tenant le bord de la table quand c’était son tour, put donc mettre la main dans l’ouverture de la boite à voleur.
Mais, déception ! Il ne se passa rien d’extraordinaire. Si la main qui, d’après Emmanuel, était dans la boite avait attrapé celle du voleur, on aurait entendu celui-ci crier et se débattre en disant : “Lâche-moi ! lâche-moi ! Je ne recommencerai plus ! Je vais rendre le koala ! Je vais rendre le koala !” Mais rien de tel ne se produisit.
On était toujours dans le noir.
- Tout le monde est passé ? demanda Emmanuel.
- Oui ! oui ! Tout le monde est passé !
- Dis-donc Emmanuel ! ça ne marche pas ton histoire de boite magique ! C’était bien rigolo, mais ce n’est pas comme cela que nous allons retrouver notre mascotte !
- Rallumez ! Rallumez, dit quelqu’un.
On alluma l’électricité.

- Ah ! Je suis complètement éblouie ! dit Daphné.
Les yeux s’habituaient de nouveau à la lumière.
- Mais pourquoi est-ce que j’ai du blanc sur la main ? s’étonna un enfant. Mais toi aussi, regarde ! Tu as la main toute blanche !
Et alors, tous les enfants, les uns après les autres, constatèrent que la paume de leur main était toute blanche de farine :
- Moi aussi !
- Eh bien moi aussi !
- Moi aussi ! Tiens !...
- Mais regardez, dit un enfant, le koala est revenu à sa place ! Il est revenu sur le buffet !
- C’est super ! Il n’y a donc plus besoin de rechercher celui qui l’avait pris !
C’est alors qu’on remarqua que si tous les enfants avaient montré leur main pour faire admirer comme la paume était tout enfarinée, il y en avait un qui gardait sa main cachée derrière son dos et qui se tenait à l’écart des autres enfants. Vous avez bien sûr compris pourquoi. Si tous avaient mis la main, sans hésiter, dans la boite à voleur en appliquant bien la paume au fond de la boite, comme Emmanuel l’avait dit, l’enfant qui avait pris le koala, lui, avait eu peur de se faire saisir la main. Il fit donc semblant de mettre sa main dans la boite et fit bien attention à ne pas toucher le fond. Il était donc le seul à ne pas avoir de farine sur la main. Et il avait aussi profité de l’obscurité pour aller remettre le koala sur le buffet.
Vous voudriez, j’en suis sûr, savoir qui c’était. Mais est-ce bien utile d’ajouter à sa punition en écrivant son nom, noir sur blanc, sur le papier ? N’a-t-il pas été déjà suffisamment puni quand tous les autres enfants l’ont regardé, ayant été montré du doigt quand ils ont compris que c’était lui qui avait pris le koala ?
C’est ainsi que celui qui ne veut pas partager se met hors jeu. Il ne peut pas montrer patte blanche et n’a donc pas d’amis. Il se punit lui-même...



Post scriptum :

Après avoir lu cette histoire, Célia, Daphné et Alexandre s’adressèrent à leur papa en ces termes :
Papa ! on veut absolument savoir qui a volé le petit koala ! S’il te plaît ! dis-nous le !
Le papa fut un peu embarrassé par cette question qu’il n’avait pas prévue. Il croyait naïvement que son truc : “est-ce-bien-utile-d’ajouter-à-sa-punition-en-écrivant-son-nom-noir-sur-blanc, etc.” suffirait à la curiosité de ses petits chéris. Lui-même n’avait pas pensé à nommer le coupable.
Alors, comme il n’y a pas de Gontran dans la parenté ni dans les connaissances de ses enfants, le sort (prévisible) tomba sur Gontran. Mais, encore une fois, même si je peux vous confirmer, de source très sûre, que c’est bien Gontran qui a pris le petit koala et qui a été démasqué par cette ordalie organisée par Emmanuel, n’allez pas le répéter !


Votre papa qui vous aime pour toujours